Je savais pas trop où le mettre, alors je l'ai mis ici

Donc voici une micro-nouvelle de saison

:
L'homme qui n'aimait pas Noël.
M. Jacques était une de ces personnes que l'on voyait rarement sourire, sinon par sarcasme. Il avait les sourcils constamment froncés, et grognait souvent contre tout et rien, des ongles rongés de la femme de ménage jusqu'au temps qu'il fait, en passant par le réchauffement climatique, le gouvernement, la crise, la hauteur des immeubles et tout le tralala. Bref, il faisait parti de ces personnes qui ont un mépris pour tout ce qui existe, sans n'avoir jamais tenté d'imaginer à quoi ressemblerait le monde si leurs vœux s'exauçaient.
Or ce mépris décuplait lors de l'arrivée des fêtes, et encore plus spécialement en approchant de Noël. M. Jacques détestait Noël plus que toutes choses au monde, plus même que le crissement d'une craie sur un tableau, plus que les gens qui ne savaient pas conjuguer correctement au subjonctif, et plus que sa vie qu'il jugeait bonne à rien.
Il ressentait ce mépris depuis le jour où, enfant, il avait été choqué d'apprendre que le Père Noël n'existait pas. Le jour où il compris la réalité réelle, il avait fallu l'emporter en urgence à l'hôpital pour traiter sa crise d'hystérie aiguë (depuis, il était épileptique).
Et cette année, comme toute année, l'arrivée des sapins l'avait plongé dans ce régulier état de frémissement.
Les gens qui se fatiguaient pour mettre de misérables petit arbres synthétiques, des guirlandes et fabriquer des crèches, pour tout enlever après, il trouvait cela d'un ridicule impossible. L'habituel délire de bonnes années à venir, de naissance du petit Jésus -alors qu'on a jamais été sur qu'il était né à cette date, de « Joyeux Noël ! » virulents, rien n'était agréable pour lui. Est-ce parce qu'on le souhaite qu'une année sera « Bonne » ? Et pourquoi diable souhaiter un joyeux Noël si de toutes façons tout le monde est stupidement content ? Pourquoi Noël DOIT-il être joyeux ? Ne pourrait-on pas en penser ce que l'on veut, chacun seul ?
Autant de gémissements résonnaient dans la tête de M. Jacques ce soir, en rentrant du travail. Or, en marchant dans la rue, il vît débouler sur la droite un Père Noël sur un camion. Il accéléra. Leur sourire rieur, leur habit rouge et ce ventre replet tout à fait innocent face aux régimes, tout cela pouvait le mettre hors de lui, c'est d'ailleurs pour cela qu'il allait voir un psychologue, et il s'y rendait ce soir.
-J'ai l'impression qu'il veulent me tuer, disait-il souvent, il sont là, à me regarder, et à me dire en parlant : « Tout le monde est content sauf toi ! Tu es tellement piteux ! », alors que ce sont des gens, de vrais gens, pas le moindre père Noël véridique ! Et il me poursuivent partout ! En gare ou au supermarché !
À la fin de la séance, il était plus détendu. Comme toujours, le psychologue n'avait rien dit. Sa technique consistait à apprendre assez sur un patient et son trouble avant d'intervenir dans son comportement.
Et au moins, cela offrait un moyen de se soulager à M. Jacques. Mais en revenant chez lui, il se souvint qu'après tout ce Psy n'était que quelqu'un de payé à faire son travail, non pas une personne passionnée, engagée dans ce qu'elle fait.
Et il se mit à détester son Psy.
Chaque jour ou presque, M. Jacques détestait une chose de plus.
Il marmonnait des borborygmes à propos du Psychologue quand il passa dans une ruelle.
Dans cette ruelle, il y avait un clochard.
Les clochards, ils y étaient passés depuis longtemps, dans l'inventaire des choses détestées de M. Jacques.
Il tenta donc de l'ignorer en passant à côté de lui. Mais il ne pût échapper au « S'youp'lé, m'sieu » qui retentit faiblement à côté de lui.
Il se retourna.
Le sans-abris avait un visage plutôt vieux, et un petit bonnet rouge. Il était emmitouflé dans une espèce de manteau rafistolé. Son visage était clair, il avait de petits yeux, et une volumineuse barbe blanche. M. Jacques plongea son regard dans le sien.
Ce n'était pas ce regard plein de lassitude ou de tristesse qu'il observait généralement qu'il voyait chez cet homme. C'était un regard empreint de pitié. Un regard sur le bord des larmes face au sien, si dur et méprisant, dénudé de quelconque âme. Un regard si profond. Un regard qui touche l'âme.
Alors l'âme de M. Jacques en fût toute renversée. Les Pères Noël, les sapins, les guirlandes, les souhaits, tout cela devint follement joyeux d'un seul coup. Alors il comprit qui était cet homme.
Il s'écria, euphorique : « Je savais que vous existiez ! Merci ! Merci mille fois ! Joyeux Noël ! » Et il s'en alla, chantonnant dans les rues, en courant dans la nuit, criant à tout bout de champ : « Joyeux Noël ! Joyeux Noël ! » et plus jamais il ne se plaignit de sa vie.
En le voyant s'exciter ainsi, le clochard resta là sans bouger, en train de le voir courir, en criant et en chantant.
« Eh beh, ma pièce !Pour un'fois qu'c'est la fête ! »
Alors il se leva en grommelant et s'en alla rejoindre son banc dans le parc où il irait passer la nuit, comme d'habitude.
« Si c'est comm'ça y'en aura jamais assez pour nourrir les reines... chut, Rodolphe ! Rest'caché ! Et r'monte dans ton arbre ! Ah, pas étonnant qu'les enfants y r'çoivent jamais rien d'moi si on m'donne pas d'quoi acheter... »
Joseph Noël se rendit compte que cette année, cela ferait vingt ans que l'usine avait coulé.
Voilà. J'espère que ça vous aura plus! Je ne compte pas vraiment revoir cette nouvelle après, ni vraiment la réétudier ou quoi que ce soit (si vous le faîtes à ma place, ça me dérange pas :° *gros flemmard*), c'était beaucoup plus pour écrire un peu, comme ça. Mais n'hésitez pas à dire ce que vous en pensez!
Et Joyeux Noël!
Ps: On pourrait pas faire une section "Petit textes", tout types (réalistes ou fiction) confondus? Parce que "Autres" ça fait "mis à part", "3eme groupe", "poubelle", "non-recyclable",
"Front National"[/beaucoup strike](Je plaisante), enfin je sais pas, je trouve que ça met à part...