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Yvan était l'un d'eux et j'avoue que je l'avais trouvé attachant dès notre rencontre en ce matin de novembre.
Il avait surgi au coin de la rue, avait fait quelques pas vers moi et sous la pluie fine et glaciale, il avait marqué une pause, juste le temps nécessaire pour me jauger du regard qu'il avait franc et empreint d'une certaine mélancolie.
Impassible, j'étais donc resté là où je me trouvais, sous la pluie moi aussi, subissant l'inspection sans broncher, attendant qu'il décide du contact ou de l'indifférence.
Et puis comme je l'avais espéré secrètement il s'était avancé et dès que je lui adressai la parole, je sus qu'une amitié venait de naître, l'indéfectible amitié qui unit deux êtres et qui les nourrira l'un comme l'autre jusqu'au bout du chemin.
Bien sûr, il avait ses défauts comme tout le monde...
Qui n'en a pas?
Des défauts qui le rendaient d'autant plus touchant et qui témoignaient finalement du fait que ce n'était pas un mauvais bougre, quelle que soit la circonstance.
L'un d'eux était, je me souviens encore aujourd'hui avec tendresse, qu'il remuait la queue même si la situation ne s'y prêtait absolument pas.
Ce soir de juillet, lorsqu'une bande de malandrins avait attaqué notre petit équipage sur les rives du danube et tandis que je faisais face non sans une certaine envie de meurtre envers mon prochain, Yvan bondissait en tout sens, battant l'air de sa queue qu'il avait fort longue et touffue.
Pour sûr, s'imaginait-il que nous allions nous livrer à quelques jeux intéressants, à quelques folles facéties au bord de l'eau.
Je le haranguais avec colère pour qu'il se range à mes côtés, mais le satané bâtard paraissait bien décidé à profiter de la situation à sa manière.
Il fallut que l'un de ces malotrus s'approche de trop près de notre charrette et de notre stock de saucisses dont Yvan était tout particulièrement friand, pour que ce dernier daigne considérer d'un autre oeil nos visiteurs.
Nous les mîmes en fuite et je passai le restant de la soirée à tenter d'expliquer à mon compagnon que toute visite n'est pas forcément amicale.
Je voyais bien qu'il m'écoutait d'une oreille distraite, les yeux posés sur notre feu de camp où je faisais griller notre dîner.
Mais même ainsi, je pense qu'il en garda quelque chose puisque chaque fois que nous croisions un voyageur sur les chemins qui nous menaient toujours un peu plus vers l'ouest, Yvan avait ajouté à son remuage de queue un grondement sourd qui dissuadait quiconque d'approcher des saucisses !
Ce fut ce brave Yvan qui me montra pour la première fois la possibilité de transposer un de ces comportements naturels à une vaselinisation des plus abjectes dont je l'avoue aujourd'hui, je fus l'auteur.
Combien de fois ne revenait-il pas des bois puant littéralement la mort ?
Emanait de cet animal Couvert de boue et de feuilles, une odeur des plus déplaisantes qui me forçait à le faire dormir loin de moi.
Mais je remarquais aussi que plus il puait, plus il parvenait à rapporter qui une poule d'eau, qui une perdrix...
Je m'interrogeais sur le fait que
sa pestilence ne le dérangeait aucunement lors de ces chasses, plus incroyable encore, elle paraissait l'avantager.
Je le suivis donc un matin pour découvrir que le diabolique clébard prenait un malin plaisir à se rouler dans la boue, dans les excréments et dans tout ce qu'il pouvait y avoir de plus répugnant dans le secteur...
Je le vis même se vautrer avec délectation dans le cadavre pourrissant d'un animal tombé là dans un fossé.
Et c'est ainsi parfumé par les bois, par toutes la palette des odeurs de la forêt, qu'il parvenait à approcher au plus près sa proie qui ne détectant pas l'odeur naturelle de son prédateur, finissait par se faire surprendre.
Masquer, masquer et masquer... Voilà le secret !
Des années plus tard, alors que j'occupais une garçonnière rue de la Pompe à Paris, Yvan se rappela à moi depuis le paradis des chiens.
Je fréquentais une charmante parisienne depuis plusieurs mois et je me plais à penser que si la vie avait été différente, j'aurais pu l'épouser et pourquoi pas, fonder une famille.
Elle était jeune, belle comme le jour, charmante comme une française et chaude comme une baraque à frites !
Mais elle était possessive et ne s'en laissait pas compter, toujours aux aguets, prête à débusquer la potentielle rivale.
A deux rues de chez moi, alors que ma boulangerie habituelle était fermée, j'entrai dans une autre pour y prendre mon croissant quotidien.
Et ce fut le coup de foudre immédiat...
De l'autre côté du comptoir, je rencontrai le regard bleu acier de Jacqueline Chaudière qui me harponnait de part en part !
Elle était le vieux baleinier et moi j'étais l'innocent baleineau...
Je l'abordais donc, bien décidé à l'embrocher à mon tour avec le même harpon et quelle ne fut pas ma surprise quand elle réagit favorablement à mon humour et, minaudant à peine acceptait mon invitation pour aller boire une fraise à l'eau au troquet du coin.
Naquit une relation doublement interdite puisque la demoiselle était déjà mariée et de mon côté, j'étais officiellement en couple avec Marie-Christine Tine.
Les rendez-vous n'en étaient que plus excitants et je garde de cette époque de croustillants souvenirs...
Mais très tôt se posa le problème du parfum de Jacqueline car lors de nos outranciers ébats, elle me parfumait bien malgré moi et je devais me récurer pendant des heures avant d'aller rejoindre Marie-Christine qui m'aurait volontiers châtré avant de me servir ma virilité façon boeuf bourguignon !
Yvan se manifesta donc, alors que comme lui, je remuais la queue à n'en plus pouvoir.
Rendre Jacqueline indétectable au flair de Marie-Christine était la clé de mon bonheur.
Mais cela supposait une vaselinisation supplémentaire car bien entendu, lui mentant effrontément, je la vaselinisais déjà.
L'infâme vaselinisation prit donc la forme d'un cadeau puisque transi d'amour, j'offrai à Marie-Christine le parfum de ma maîtresse...
Elle en fut toute heureuse car ce geste lui fit croire un peu plus en mon inébranlable amour et me valut un regain de sympathies sexuelles des plus plaisant !
Nous portions désormais tous trois la même odeur et je pouvais butiner entre mes deux fleurs à loisirs sans éveiller les soupçons...