ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image]
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Ouppo Fou du roi
Messages : 578 Date d'inscription : 04/01/2016
Sujet: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 21:31
Bienvenu à cette troisième édition du chronochallenge, je suis ravi d'être votre hôte pour ce soir, vous allez écrire sur cette image,
vous avez 1 heure pour l'exploiter au mieux soit jusqu'à 22h30.
Vous posterez vos créations dans ce sujet, bien sûr essayez de respecter le temps qui vous est imparti sinon et bien ce chronochallenge n'en est plus un.
Ensuite après avoir posté vos œuvres voilà le moment tant attendu : le vote ! Vous voterez dans un sujet dédié avec un sondage.
Pour voter c'est simple écrivez clairement dans les commentaires quel a été votre texte préféré, si possible avec une petite explication du pourquoi, vous n'êtes pas obligé de faire un pavé mais une ou deux lignes ce serait gentil.
Vous pourrez voter jusqu'à demain 21h00 date où le gagnant sera annoncé.
Invité Invité
Sujet: Re: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 22:03
Invité Invité
Sujet: Re: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 22:05
J'ai écrit un truuuuuuuuuc
Ayant choisi l'image, il serait déloyale que vous puissiez voter pour moi, donc ce texte est hors concours et il est plus là pour marqué mon enthousiasme sur ces défi -et parce que j'ai besoin d'écrire en ce moment, sans en avoir le temps- que par une réelle inspiration. Bravo à tous les participants et bonne lecture!
Défi Tic-Tac
L'oiseau sur le fer
J’ai vu un oiseau, comme on verrait un rêve. Il était là, fait de chair et de chant. Il était là, sur le fil gorgé du sang de nos enfants. Sur la plaine jaunie bercé par l’hiver, la nature venait défier le temps, elle s’offrait une revanche sur la marche des saisons. Et les notes de l’oiseau ont sonné Vivaldi ! Comme le souvenir des orchestres qui me marquaient tant.
J’ai vu un oiseau, comme on verrait un rêve. Il dansait, guilleret et fier, véritable gavroche cherchant canaille au matin. Au loin, s’oblitérait le monde, avait-il déjà seulement existé ? Ô seigneur des airs, maitre du vent, qu’ont vu tes ailes avant de te déposer ici ? Les villes pleurent-elle encore des cris des enfants ? L’océan se déchaine toujours sous la foudre des éléments ?
J’ai vu un oiseau, comme on verrait un rêve. Il cherchait à manger, comme le cherchait tous ces gens. Combien étions-nous dans nos uniformes à rayures, maigres à en perdre les dents ? Personne pour autant ne sauta sur l’animal pour calmer sa faim. Nous étions cent, nous étions milles, dix-milles ! Nous étions un à rêver de l’oiseau.
J’ai vu un oiseau, comme on verrait un rêve. Et il venait avec un présent. Dans ses trilles joyeuses, dans sa liberté sautillante. J’ai revu le sourire et le rire d’antan. D’avant ces hommes menaçant, quand l’acier servait aux cloches des églises et à l’édification de bâtiments. Mais sur le barbelé fatigué de nos larmes et nos morts, l’oiseau avait offert à nos iris le souvenir d’un autre temps.
Le temps de nos mères et nos frères, quand nous étions ensemble, réunis et aimant. Avant que l’Allemagne ne s’oublie dans le sang.
Syta Fondatrice et grande manitou du forum
Messages : 1719 Date d'inscription : 17/07/2012 Localisation : En haut d'un arbre Humeur : Poétique
Sujet: Re: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 22:24
Pour Edith, il semblait que hier encore, tout était calme. Hier, elle se trouvait là, avec ses parents, ses frères et ses sœurs, et elle souriait. Elle aurait dû se douter. Se douter que son tour allait venir. Mais c'était trop tard. À peine au moment où elle finit d'accumuler tous ses souvenirs dans un coin de son esprit, en guise de bagage, son habitat avait disparu de sa vue. Ainsi elle commença à chercher. Elle tenta de remuer ses ailes atrophiées. C'était injuste. Pourquoi quitter sa vie douce et monotone pour une potentielle mort ? Edith atteignit une petite surface de pierre où elle se coucha, sans doute par désir de poser ses pensées sur quelconque lieu.
Elle se remmémora les quelques paroles que sa mère avait laissé avec peine, son esprit étant embrumé par le passé. À l'âge de trois ans, chaque rossignol cendré quitte son foyer, et se lance sur la toile, à la quête d'un partenaire et d'un nouvel habitacle. Alors, les jeunes oiseaux marchaient pendant parfois plusieurs mois sur la Toile. Cette dernière était un cercle, d'un rayon infini sur lequel s'étendait des millions de rangées de corde. Ce voyage était déjà trop long. Trop dangereux. Mais il n'y avait pas d'autres issues, il fallait avancer jusqu'à mourir ou trouver son havre de paix. Ainsi, Edith sautilla de plate-formes n plate-formes pendant des dizaines de jour. Elle se nourrissait des quelques végétaux insipides qui poussaient sur les roches, et buvait l'eau qui pouvait tomber au dessus de sa tête. Puis elle croisa quelqu'un. Ce n'était pas la première fois, quelques silhouettes avaient déjà été aperçues dans le noir complet, mais là, ils étaient devant elle. Ils étaient deux. Elle n'en croyait pas ses yeux. Devant elle se tenait un Uburu Fauve et un oiseau géant, aux ailes teintées de rouge. Les Uburu étaient d'immenses tueurs sanguinaires. Ils attrapaient les quelques personnes qui cherchaient repos, où qui restaient immobiles trop longtemps, et les dévoraient. Ils ne vivaient que du sang des autres, et ainsi était faite la vie. Ce qu'ils étaient forts, puissants. Personne ne pouvait leur résister. Ainsi quand Edith vu un rapace résister à un d'entre eux, la surprise fut grande. Les coups de bec jaillissaient, les plumes s'envolaient et retombaient dans le vide. À chaque fois que le grand oiseau relevait la tête et assénait un coup dans la nuque du prédateur, un filet de sang giclait dans les airs. Il ne fallut que peu de temps pour que l'Uburu succombe, et que son corps disparaisse dans les abimes. La puissance de cet individu mystérieux était colossale. La jeune rossignol tenta de s'enfuir, mais elle se fit vite rattraper. Il ne tarda pas avant qu'elle se fasse questionner de toute part. « Halte là, oisillonne. Que cherche-tu en ces lieux ? » Et chaque question en amenait une autre. Il fallut peu de temps pour que l'unique valise qu'elle avait apportée se fasse emporter. Elle se vit offrir de monter sur son dos. Cette proposition incongrue ne pouvait être refusée. - Dis moi petite oisillonne, n'es-tu pas ennnuyée par cette longue marche ? Elle ne savait quoi répondre. Évidemment que oui. - Oui. Mais je cherche quelqu'un. Quelqu'un avec qui je pourrai vivre jusqu'à la fin de mes jours. Et nous trouverons un lieu où habiter. Le géant sourit. - Et pourquoi ? Avoir des enfants et perpétuer ce cycle infini ? Que vaut la vie quand on ne peut voler ? Elle reste muette. Le rapace continua. - L'avenir est vide. Le chemin le plus attirant reste le fond de ce gouffre infâme. Regarde-toi. Tu ne peux que sautiller pitoyablement, et tu tentes tout de même d'atteindre une chimère toute aussi pitoyable. Laisse-moi te conduire vers un avenir convenable. Et il se tourna. Édith tomba dans le vide. Il avait raison. Il n'y avait pas d'avenir. Rien qu'une toile, sur laquelle quelques oiseaux se baladaient.
Cornedor Divine cerfette et ses lapins multicolores
Messages : 5120 Date d'inscription : 17/05/2014 Localisation : Endormie dans un terrier de lapins. Humeur : Lapinesque. (ça veut dire paisible et joyeuse)
Sujet: Re: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 22:26
Poueeeet
Triple Buse
Déjà une heure que j'attends. Au moins…
L'air froid me pique les yeux, tel une écume semée de sel et de glace. Le vent siffle dans les herbes sèches et craquantes, joue de la flûte de pan dans leurs nervures. Il me gifle la figure, aussi. Assez fort pour m'agacer. Pas pour me faire bouger.
Une statue de chair et de sang, voilà ce que je suis.
Je regarde les voitures passer devant moi, sur le long ruban d'asphalte tout craquant de givre. Saleté de givre qui me brûle les pattes dès le petit matin. C'est une moitié d'hiver, une sorte d'automne raté qui joue avec nos nerfs.
Ouais, toi qui m'écoutes, toi l'hivomne, l'auver, quelque soit le nom que les vieux te donnent dans ma langue : j'en ai marre de toi. Casse-toi.
J'en ai plus qu'assez de faire des foutues réserves de graisses, tout ça pour enfler comme un ballon, me sentir un peu fort et un peu solide l'espace d'une minute… Et puis au final, me retrouver minuscule et tout démuni, face aux voitures assoiffées de route qui rugissent à côté. Me retrouver comme un con, en train d'attendre comme ça, tout seul, au bord de la route.
Je commence à me les geler sérieusement.
N'oublie pas de ramener à manger aux petits ! a braillé ma femme de sa désespérante petite voix grincheuse.
Bon sang, je suis quasiment sûr que c'est cette voix, cette foutue voix, qui me pousse à m'enfuir dès que j'ai déposé mes tributs familiaux. Je ne plaisante pas. Elle me transperce littéralement les tympans. Je ne sais pas comment font les petits pour la supporter toute la journée ; ils seront sourds avant de sortir du nid !
Quoique. En fait non. Je crois qu'absolument tout m'exaspère chez elle.
Ah, ça, si j'avais su, je vous jure que j'aurais plutôt formé ménage avec la p'tite brune, là. Celle qui avait des yeux vifs et brillants comme des étoiles perdues, une petite queue mignonne fièrement relevée et, par tous les saints, un si joli timbre de voix !
Sûr qu'avec celle-ci à mes côtés, j'aurais franchi des forêts, déplacé des montagnes, fouillé ciel et terre pour nous trouver un petit nid douillet. Je lui aurais même décroché la lune, allez !
…
Oh, suis-je bête. J'ai formé ménage avec la brunette. Il y a deux ans. Quel stupide galant je fais, pas même capable de se souvenir de ses propres conquêtes ! Et surtout de celle-ci.
Peut-être était-ce la période la plus heureuse de ma courte vie, maintenant que j'y pense. On ne voit jamais les bonnes choses quand on a le nez dedans…
Je sais ce que vous allez dire. Oui. Pensez ! Bien sûr que j'ai cherché à reformer mon couple avec la belle, l'année suivante ! Mais madame n'était pas de cet avis. Chez nous, la fidélité, c'est mal vu. Alors, que voulez-vous, à nouveau célibataire et l'espoir brisé dans mon pauvre cœur, j'en ai courtisées d'autres, harcelées d'autres, séduites d'autres.
Jusqu'à tomber sur cette satanée mégère, cette plaie, oui, n'ayons pas peur des mots ! Elle, aucun mâle ne se serait avisé de la toucher. Tous se tenaient à carreau, vous pensez bien ! Ils s'étaient passé le mot. Mais moi, tout frustré de mon échec amoureux, fier comme un coq et plus orgueilleux qu'un milan, qu'ai-je fait ? Je l'ai approchée, apprivoisée, lui ai promis monts et merveilles.
La féroce m'a bien sûr éconduit, et plusieurs fois ! Mais plein de défi, moi, j'ai continué, sans faillir. Si bien qu'alors que tous les couples étaient déjà formés, elle était encore célibataire et moi aussi.
Et paf ! Le mal était fait pour l'année.
A l'été, je n'avais toujours ni poussins, ni compagne aimante, ni même un nid où s'épouiller tranquillement, rien ! Rien ! Rien pendant de longs mois où tous, autour de moi, élevaient gaiement leurs petits. J'avais le cœur tordu par tant d'injustice.
Alors, l'année suivante, ivre de désir et de vengeance, j'ai réitéré. Et je l'ai gagnée, ma duchesse intouchable, je l'ai enfin eue. J'étais si fier de pouvoir me pavaner avec elle, elle qui jamais n'en avait accepté un autre, que j'en perdais littéralement la tête.
Et les autres, pensez-vous ! Ils riaient sous cape, j'en suis sûr.
Et maintenant, quelques mois plus tard, j'en suis au point où le moindre jour passé au nid est une véritable torture et où, bon sang de Dieu, si ces satanés poussins ne s'envolent pas d'eux-mêmes quand il le faudra, ce sera moi qui les jetterai du haut du nid !
Triple buse ! Triple buse que j'étais, triple buse que je suis encore, moi qui ne parviens même pas à me souvenir de la seule qui m'offrit un tant soit peu de bonheur jadis ! Avant la triste mégère qui monopolise désormais mon attention…
Trêve de blabla, mais dites donc…
C'est qu'il y a un moineau perché sur cette saloperie de barbelé ! Un bon gros moineau tout dodu ! A manger ! Enfin ! Deux heures au moins que je fais le planton sur ce satané piquet, et enfin une bestiole se pointe. Et juste en dessous de moi, le fou ! Est-il aveugle ?
Vite, à l'attaque ! Un rapide plongeon devrait suffire. Il ne sentira rien lorsque mes serres transperceront son petit ventre…
Foi de rapace, si la mère de mes enfants n'est pas satisfaite avec un tel morceau, qu'elle aille se faire voir jusque chez les aigles royaux !
Je sais ce que je suis. Et je sais ce que je ne suis pas. Je suis un chaos de rêves et de couleurs, je suis un Cerf divin chimérique, je suis une lapine en chocolat aux larmes caramel. Et toi, qui es-tu ?
Fais un pas vers moi, j'en ferai un vers toi. Et peut-être un jour serons-nous face à face...
*** Cap' d'aller lire ?
→ Venez fouiller dans mes écrits... Y'en a pour tous les goûts !
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Papagena
Messages : 112 Date d'inscription : 17/04/2016
Sujet: Re: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 22:29
Les brins de blés chantaient l'été. Sur le champ,une douce brise, soufflait, sifflant à sa guise répondait aux petits criquets.
Seul, posé sur un fil de fer, un moineau nommé Norbert. L'oiseau donnait un concerto devant son ami l'escargot.
Attirés par sa mélodie, les criquets se joignent à lui : « bonjour bonjour petit moineau, vous chantez si bien, c'est très beau ! »
Norbert, pour sûr, en fut ravi : « je suis un grand maître chanteur, chanter pour tous fait mon bonheur ! »
les criquets, vert de jalousie, se mirent à striduler aussi. L'oiseau, monta d'un ton plus haut recouvrant le son des rivaux.
La bataille mélodieuse finit par devenir affreuse. Norbert dont les chansons dissones finit par devenir aphone.
Le meilleur de tout les chanteurs par sa bêtise d'un instant, peut perdre le sens du bonheur en se prenant pour un gagnant.
Dernière édition par Papagena le Mer 1 Juin 2016 - 22:33, édité 1 fois
Invité Invité
Sujet: Re: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 22:30
Le petit gars essaye de marcher sur ses mains, depuis quelques jours. Je suis inquiet pour lui. Il n'arrête pas de faire des acrobaties, de courir à pleine vitesse. Certains diraient que c'est normal à son âge mais je le crois pas, non. C'est des balivernes. Ce petit, il se sent enfermé. Il veut partir j'le sens. C'est dans mes tripes, vous savez ? Vu qu'il a plus d'père, c'est comme qui dirait un devoir pour moi. Je me sens de le protéger, c'est une question de morale. Ce gamin squelettique. Il a huit ans, vous trouveriez pas un mec aussi musclé que lui dans le camp. Proportionnellement, je veux dire. Il fait des trucs, pff ! Les gros bras qui roulent des mécaniques, là, et terrifient tout le monde. Voyez c'que je veux dire ? Ben, ils seront pas fiers si le p'tit grandit là. Je pense à tout ça une clope au bec, en regardant un piaf picorer le sol. Ouais. Mathieu. Il est comme ce piaf. Sûr qu'il court aussi vite que ces emplumés volants. Et tout frêle pareil, qu'il pourrait passer entre les mailles du grillage ouest. J'espère qu'il essayera pas. J'le sens ce petit vous voyez ? Il a pas besoin de parler, je sais ce qu'il a dans la tête. Parce que ce que je vous dis là, il a jamais soufflé un mot, hein ! Rien de rien ! Et le piaf qui se perche sur le barbelé. Il se fout de moi sans doute. Au coucher de soleil, on voit la colline qui s'étend derrière, ça donne envie d'aller "se promener". Trop longtemps que mes pieds nus ne foulent que cette merde de terre sèche. L'herbe soyeuse, ça je connais plus. Ce gosse il partira je le sais. Il passe son temps à s'écorcher les genoux et arracher ses croûtes, il bouffe son pain sans rien dire. Mais je le sais. Un jour il saura, lui, ce qu'il y a derrière la foutue colline. Pourvu qu'il coure assez vite...
Dernière édition par Mélodie le Mer 1 Juin 2016 - 22:35, édité 3 fois
Scrat
Messages : 392 Date d'inscription : 08/05/2015
Sujet: Re: ChronoChallenge n°2 : un moineau sur un barbelé. [image] Mer 1 Juin 2016 - 22:30
« Vas-t-en, lui dit-elle. Tu n’as plus rien à faire ici. »
L’homme a pris sa valise jetée devant la porte d’entrée, jetée avec des habits, des habits entassés pèle, mêle… des habits entassés avec des lampes, des bougies, des cartes à jouer, des cartes routières, des cartes… Il a pris sa valise et il est parti puisqu’on le jetait dehors.
Dans le couloir de l’immeuble il a un peu de mal à la fermer, la valise. Trop de choses veulent rentrer à l’intérieur, trop de choses qui ne veulent pas qu’on les jette elles-aussi. « Garde-moi, disent-elles, garde-moi avec toi. Je ne prends pas beaucoup de place, je me ferai petite, garde-moi. » Lui aussi, il aurait aimé qu’on le garde. Mais il s’est fait jeter. Maintenant, il faut repartir.
Il s’assoit sur la petite valise pour la fermer. « C’est sûr qu’elle va craquer, pense-t-il. C’est sûr qu’elle va craquer et là, là je serai bien embêté. » Mais il la ferme quand même. Il n’a rien jeté. La valise ressemble à gros ballon de foot maintenant. Il fut un temps où l’homme jouait au foot lui aussi. Comme les garçons qu’il entend jouer dehors à midi qui tirent au ballon entre deux platanes. C’est là où sont les cages. Les cages sont toujours entre deux platanes. Il en avait parlé à Clara. Mais Clara ne comprenait rien au foot. Elle a fait « hm » sans lever les yeux de son écran et elle a appelé sa mère pour lui raconter dire qu'au travail Vanessa avait dit à Pierre que... L’homme aimait bien jouer au foot. Mais le ballon avec lequel il jouait est resté enfermé dans un appartement, loin d’ici. Pas dans cet appartement qu’il quitte, dans un autre, un très loin.
Il descend les escaliers. Le ballon-valise est un peu lourd, mais ça va, l’homme est quand même assez costaud, il le porte d’un bras sans problème. Il se dirige vers la gare. « Je dois aller à la gare, se dit-il. C’est là que se rendent les gens qui ont des valises. »
Il se perd un peu. Heureusement, il a une carte routière dans son ballon-valise sur laquelle elle devrait être indiquée. Mais il a peur qu’elle éclate dans la rue s’il l’ouvre et que toutes ses affaires se dispersent. Il ne veut pas disperser ses affaires. Il tient à ses bougies et à ses lampes. Les bougies, c’est Clara qui les lui avait offertes « c’est romantique » avait-elle dit. Clara aimait ce qui était romantique. Elle mâchait du chewing-gum pour avoir bonne haleine et elle trouvait que Vanessa Paradis avait bien fait de quitter Johnny Depp parce qu’il la trompait. L’homme ne savait pas si Johnny Depp trompait Vanessa Paradis mais il savait que lui ne tromperait jamais Clara parce qu’il ne voulait pas qu’elle le quitte. Peut-être qu’il l’avait quand même trompée sans le faire exprès ? C’était sûrement pour ça qu’elle avait jeté sa valise, pour ça que maintenant sa valise avait pris la forme d’un ballon à cause de toutes les affaires qui ne voulaient pas qu’on les jette à leur tour. Il n’ouvre pas le ballon-valise pour consulter la carte routière. Il a peur que ses affaires se dispersent et que le ballon éclate. « La gare, c’est par où ? » demande-t-il aux passants.
On lui indique la direction. Un peu plus loin sur la gauche. Après la maison sous le lierre. Après le petit muret qui longe le chemin, il y a la voie ferrée.
La gare est plus loin que ce qu’il pensait. Il commence à avoir mal au bras. Il s’assoit sur la voie ferrée, il pose le ballon-valise. Il regarde devant lui : un oiseau s’est posé sur le fil barbelé qui borde un champ. Un train arrive. L’homme s’écarte. L’oiseau s’envole.