Grandir

Aujourd’hui, une vieille dame m’a regardé.

~  ~
 ~

Assis sur un banc.

Les yeux perdus dans le blanc des nuages, comme on peut l’être dans la blancheur d’une âme d’enfant. Perdus dans l’eau du lac, comme je l’étais dans le bain de ses bras.

Je l’ai longtemps aimé. L’aimerai-je encore dans vingt ans ? Je donne ma langue au chat. Hélas le chat est noir et les malheurs nous suivent.

Pourquoi me laisse-t-il une énième fois à la merci de la solitude ? Il m’ouvre les portes du chagrin comme pour accueillir un vieil ami. Comme si je rentrais à la maison. Comme s’il allait me quitter.

Mais j’ai besoin de lui ! Sa santé s’aggrave et moi je meurs. Je meurs de le voir s’éteindre sous les explosions et les feux qui s’allument. Je meurs de sa mort prochaine.

Je suis une de ces feuilles qui fuit à l’arrivée du froid, incapable de soigner la douleur de l’arbre face à l’hiver. Mais toutes les feuilles ont leur saison, tous les cœurs ont leurs humeurs.

Entre les longueurs de la vie, les douleurs fracassantes et le quotidien qui file entre mes doigts, j’ai connu un instant de répit. Un instant où le temps cesse de nous malmener, où les oiseaux ne chantent que pour moi, où la pression qui m’entoure s’endort dans les bras de la paix.

Soudain, je prends conscience que mes larmes n’éteindront pas les feux du monde. Il ne m’a jamais laissé, je me suis juste retiré pour panser mes plaies. Le monde vit encore.

~  ~
 ~

Aujourd’hui, une vieille dame m’a regardé.

J’ai écouté ses yeux. Ses cordes vocales ont pleuré, son sourire a chanté.

Elle m’a dit que les portes du chagrin sont ouvertes parce qu’il est facile de le tutoyer, mais que la paix est un combat et qu’il est beaucoup plus guerrier de l’obtenir que de s’agenouiller dans la tristesse.

Alors j’ai décidé de garder mes larmes pour plus tard. Je vais continuer de rechercher l’amour, le bonheur et de me battre pour la paix.

Aujourd’hui, une vieille dame m’a aidé à grandir.