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 Rencontre [TP]

 
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Apikalia

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Féminin Bélier Messages : 47
Date d'inscription : 01/07/2016

Sujet: Rencontre [TP]   Lun 8 Mai - 14:52

Il y a des périodes plus ou moins longues comme celles-ci, où je n'accorde plus une minute à l'écriture, plus par manque de temps que par manque d'envie. Ou plutôt par manque de temps d'avoir envie. Cela implique que je suis beaucoup moins active dans ma vie littéraire et en conséquence sur le forum. J'aimerais pouvoir concilier tout ça mais j'ai pas mal de travail en ce moment, et j'espère vite me remettre à l'écriture mais je crois que je vais devoir attendre encore un peu.

Malgré tout, notre professeure de français nous a demandé il y a quelques mois de faire un exercice d'écriture d'invention, le sujet étant: écrire un dialogue entre Soleiman et l'homme de Gibraltar (j'expliquerai après), qui confronteront, dans un bar de Gibraltar, leurs visions de l'Eldorado .

J'ai donc tenu à partager mon texte ici.

Soleiman est un personnage du roman Eldorado de Laurent Gaudé. D'origine soudanaise, il quitte son pays pour fuir la misère, traverse une partie de l'Afrique et passe la frontière pour rejoindre l'Europe. L'histoire narre son voyage au cours duquel il rencontre beaucoup de difficultés. Si vous voulez en savoir plus, voici un résumé de son parcours: http://lewebpedagogique.com/iroiseldorado/2011/02/03/parcours-de-soleiman/
L'homme de Gibraltar, qui lui, souhaite quitter l'Europe pour rejoindre ses terres d'origine, c'est l'homme de cette chanson:  

Vous l'aurez compris, ces deux personnages ont en commun un sentiment extrême d'espoir, et sont tous les deux à la recherche du lieu qui leur permettra d'être heureux.
Voilà pour les explications d'avant-texte.
C'est la première fois que je poste un écrit long, alors je ne sais pas trop ce que ça vaut (j'ai plutôt tendance à écrire des poèmes).
Merci à tous ceux qui prendront le temps de lire.





Rencontre


Deux hommes discutent calmement autour d'un verre, depuis quelques minutes, dans un bar de Gibraltar. Ils ne se connaissent pas mais se ressemblent dans leur détermination à découvrir soit l'Afrique, soit l'Europe, car l'un s'en va et l'autre vient.

« - Depuis combien de temps vivez-vous ici ? Vous partez rejoindre votre famille, pour la ramener et l'installer ici ? Alors vous avez réussi, vous y êtes arrivé. Je viens du Soudan, j'ai touché le sol espagnol pour la première fois hier soir. Pouvez-vous me conseiller ? À qui puis-je m'adresser pour commencer ?
- Ici, je ne vis pas, et je n'ai plus de famille. Mon ami, si vous restez vous ne pourrez compter sur personne, vous serez livré à vous-même et devrez vous battre autant que vous l'avez fait jusque là, pour obtenir de l'argent, de quoi manger, boire, dormir, de quoi rire et de quoi être libre.
- Vous semblez ne pas connaître l'Afrique... Je sais que le combat n'est pas terminé, mais il a une fin, j'en suis proche, et je l'atteindrai.  
- Vous semblez bien déterminé.
- Bien sûr, ne l'êtes-vous pas ?
- Je le suis.
- Alors où allez-vous ?
- Au Maroc.
- Mais que cherchez-vous au Maroc ?
- Ma place. Je vœux connaître mes racines, mes semblables, et tout ce qui me définit. Ainsi je pourrai comprendre et devenir. Je voudrais rencontrer mes grands-parents ou du moins des membres de ma famille, leur parler et les entendre conter notre histoire. Je voudrais vivre comme ils vivent, dormir là où ils dorment, porter leurs vêtements, prier avec eux, chanter et danser avec eux. Je voudrais savoir d'où je viens, ce que je dois faire, qui je suis.
- Vous savez, j'ai longtemps vécu dans mon pays, le Soudan, et j'aime profondément ce pays. Mais là-bas la misère subsiste plus que les hommes. Ceux-ci se taisent et se meurent, ou s'en vont et survivent. Le choix a été difficile car l'angoisse et la peur de l'inconnu me retenaient, j'ai dû abandonner ma famille en lui promettant la vie. Pendant des mois, faisant de mon mieux pour éviter ceux qui essayaient de m'en empêcher, j'ai traversé la Libye, marché en Algérie, couru et rampé dans votre pays, pour enfin être ici et je tiendrai ma promesse. Croyez-moi, mon ami : si vous partez vous reviendrez vite.
- Si ce que vous dites est vrai, alors nous nous recroiserons sans doute, peut-être dans ce même bar. Car j'insiste, vous n'aimerez pas l'Europe et l'Europe ne vous aimera pas. Vous emprunterez à nouveau le chemin qui vous a mené ici, retrouverez votre terre et marcherez pieds nus pour sentir sa poussière.
- Je ne rentrerai pas au Soudan, du moins pas de cette manière. Comprenez, mon ami, que je ne suis pas simplement parti pour découvrir un nouveau continent, le voyage a été très difficile. J'y ai rencontré beaucoup d'hommes et de femmes, migrants parfois avec leurs enfants, munis de juste assez d'argent pour satisfaire les passeurs. Ils fuyaient la faim, la soif, la maladie, ou encore les armes et le sang qui en découle. Nous fuyions tous une mort certaine, douloureuse et indigne, et savions que la plupart d'entre nous ne parviendrait pas à respirer l'air du territoire européen. Certains n'ont pas pu payer le voyage, d'autres n'ont pas survécu, sans oublier qu'un grand nombre  est resté bloqué à la frontière. Boubakar, un ami très proche, essayait de traverser depuis sept ans. Il y est arrivé seulement hier, avec moi, et aujourd'hui nous sommes là. Nous avons risqué nos vies pour ne pas les perdre. Maintenant, je vais connaître l'endroit où l'on ne manque de rien. Tout y est parfaitement organisé pour que l'être humain puisse vivre tranquillement, sans se demander s'il sera encore le lendemain. Il travaille et participe ainsi au bien-être de ses frères. Il est rémunéré pour être nourri et logé. Les villes sont construites, les routes aussi, tout est tracé : l'Homme ne peut vivre que paisiblement et en sécurité. Voilà ce qui selon moi est la liberté. Alors je vais travailler, et lorsque je le pourrai je ferai soigner mon frère qui est très malade, puis il me rejoindra accompagné du reste de ma famille.
- J'admire et apprécie sincèrement votre parcours et votre volonté, mais je dois vous dire que l'Europe n'est pas celle que vous attendez. Si pour l'instant elle vous a donné espoir et accueilli, vous vous sentirez vite abandonné. Pour ma part, je suis né dans ses bras mais elle n'a pas voulu de moi. J'ai pourtant tout fait pour la convaincre de me garder. Alors que j'étais enfant, je travaillais dur à l'école. Je voulais devenir médecin, tout en sachant que ce genre d'études me demanderait du temps. Je rêvais de me rendre au travail le matin, enfiler une blouse blanche, soigner mes patients et rentrer chez moi, fier de ce que j'aurais accompli au cours de la journée. Mais dans les livres scolaires, les médecins étaient blancs. À l'école, nos futurs n'existaient pas. Les élèves étaient révoltés et les professeurs épuisés, j'ai fini par abandonner mes projets. Cela a terriblement déçu mes parents qui comptaient sur moi pour les soulager, car ils se tuent au travail. Mon père est ouvrier et ma mère fait le ménage de jour ou de nuit, en échange d'un revenu trop peu élevé. Pour les aider j'accompagnais mes deux sœurs cadettes lorsqu'elles faisaient leurs devoirs, préparais le repas en rentrant des cours et rangeais l'appartement. Je n'avais plus de temps pour moi et mon bulletin devenait de moins en moins appréciable. En grandissant, j'ai compris que quoi que je fasse, l'avenir ne m'attendrait pas. J'ai alors choisi ce qu'il y avait de plus facile : voler dans les magasins, puis voler mes voisins, qui menaient une vie comparable à la mienne, puis de plus en plus de gens et des objets d'une valeur de plus en plus estimable, jusqu'à prendre directement de l'argent. De cette manière, j'aidais mes parents à payer les courses et le loyer.
- Comment réagissaient-ils ?
- Au début ils pensaient simplement qu'il s'agissait d'un salaire, mais un ami m'a proposé un jour de vendre du cannabis. J'ai accepté car je savais que cela rapporterait. J'ai par la suite été mis en garde-à-vue de plus en plus régulièrement, et mes parents ont commencé à soupçonner chez moi une âme de bandit, chose qu'ils ont toujours condamnée. J'ai sombré dans une mélancolie profonde car leur confiance en moi était une grande fierté. En guise d'échappatoire la drogue était le moyen le plus accessible, elle m'a donc souvent permis de m'évader. J'étais comme les autres jeunes de mon quartier : triste et délaissé. Nous luttions chacun de notre coté pour une vie meilleure, tellement fort que nous perdions parfois le fil de la réalité, jusqu'à nous entre tuer. Je me suis souvent battu pour des raisons qui me paraissent désormais futiles, ce qui m'a à chaque fois mené au commissariat. Je suis donc devenu aux yeux de mes parents un délinquant drogué et brutal, aujourd'hui je sais qu'ils avaient raison. C'est pourquoi je veux partir, renaître et retrouver l'humanité que j'ai perdue. Lorsque je serai au Maroc, j'aurai quitté mon passé et ma terre d'origine deviendra mon unique refuge. Je m'y sentirai bien car je n'y serai coupable de rien. J'apprendrai son histoire et j'apprendrai de ses habitants la force, le courage et la bienveillance. Je deviendrai l'homme que ma première vie ne m'a pas permis d'être, car c'est la liberté dont je suis à la recherche.    
- Alors mon ami, tentons notre chance. Je vous souhaite d'arriver au bout et d'être heureux.
- Je crois que nous le serons tous les deux. Vous ici et moi là-bas.
- Eh bien je ferai en sorte, de mon coté, que les choses se déroulent telles que vous les avez prédites. Faîtes de même. Avant que nous nous quittions, j'aimerais savoir comment vous vous nommez ?
- A vrai dire, je ne le sais pas encore. J'ai un prénom administratif, qui est celui que mes parents m'ont donné, mais je ne suis pas sûr qu'il s'agisse vraiment du mien. Souvenez-vous simplement que je suis votre ami.
- Bien, alors mon ami, je dois m'en aller. N'oubliez pas notre rencontre.
- Au revoir ! Mais vous ne m'avez pas donné votre nom... Puis-je le connaître ?
- Massambalo*. »


*Massambalo: "Dieu des immigrés" inventé par Laurent Gaudé dans son roman Eldorado, qui peut prendre différentes formes. Lorsqu'un migrant pense le rencontrer, il doit s'approcher et lui demander: "Massambalo?". S'il s'agit bien de lui, le Dieu hoche la tête et l'homme lui fait une offrande: celui-ci atteindra son Eldorado et vivra heureux. Dans le roman, Soleiman a rencontré Massambalo avant d'arriver en Europe, c'est ce qui lui a redonné espoir.

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"Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c'est pareil... T'es une âme grise, joliment grise, comme nous tous..."
Philippe Claudel - Les Ames grises
 
Flopostrophe
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Sujet: Re: Rencontre [TP]   Lun 8 Mai - 18:16

Salut Apikalia, ton texte est vraiment pas mal, j'espère que tu as eu de beaux points ^^ J'ai lu ce livre de Laurent Gaudé il y a longtemps, alors c'était amusant de me rappeler quelques souvenirs.

Je t'avoue que j’aurais aimé avoir le début de la conversation pour commencer en douceur et fixer le décor autrement... Et je trouve que les dialogues auraient pu être entrecoupés de plus petites phrases, des questions, des petites actions qui rappellent qu’ils sont dans un bar… Enfin, le style n'aurait peut-être pas été le même...
Il y a beaucoup de très jolies phrases, bravo :) Et la description de la vie de chacun est bien dosée, on ressent bien la "grande différence mais en même temps grande ressemblance" entre les deux, c'est réussi Wink

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Apikalia

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Féminin Bélier Messages : 47
Date d'inscription : 01/07/2016

Sujet: Re: Rencontre [TP]   Lun 19 Juin - 21:42

Merci beaucoup pour ton commentaire Flopostrophe, c'est vrai que j'ai du mal avec les débuts

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Sujet: Re: Rencontre [TP]   

 
 
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